Découvrez comment les résidences gérées font face à l’innovation avec Guillaume Lelong -Directeur développement et stratégie chez Aegide Domitys- interrogé par Jeanne Massa -CEO & Co-fondatrice de Habiteo sur Radio Immo.
Jeanne Massa : « Quels sont les besoins et les objectifs de l’innovation pour des résidences gérées ? »
Guillaume Lelong : Je ne pense pas qu’il y ait des objectifs différents pour les résidences gérées que pour les résidences seniors car pour toute innovation, elle doit être au service de, elle doit apporter un plus à la vie de la personne qui en bénéficie. Au-delà des objectifs et des besoins, il y a une approche spécifique pour la résidence gérée senior, car cela cible une population âgée, fragile. Quand on est une personne âgée, on a moins d’énergie qu’avant, plus de difficulté à changer des habitudes du quotidien. C’est pour cela que l’innovation en résidence senior ne doit pas être une innovation gadget ou compliquée. Toutes les innovations doivent être pensées à partir de la personne elle-même et non à partir d’une nouvelle technologie ou d’une tendance. Pour autant, on a besoin d’innover, de nous adapter constamment au profil des personnes qui emménagent dans nos résidences. Ces profils vont évoluer. Dans la décennie 2010-2020, il y a eu 600 000 personnes de 75 ans et plus qui sont arrivées dans cette population. En 2020-2030, il y en aura 2 millions quatre-cent mille. Nous allons multiplier par quatre le nombre de personnes qui vont arriver aux âges vulnérables de 75 ans et plus. Ils auront des profils différents car ils auront voyagé, des références culturelles différentes, ils seront plus digitaux, la fracture numérique sera d’autant plus réduite. Ils seront à la fois semblables et différents. Pour cause, les problèmes de santé resteront les mêmes. Pendant la pandémie, l’idée était aussi d’importer l’innovation du monde dans nos résidences. Avec l’importation des technologies du quotidien : WhatsApp, Skype…pour intégrer les résidents dans leur cercle familial, comme l’a fait il y a quelques années Famileo. Cette innovation est géniale car elle part de la personne elle-même, en tenant compte de la fracture numérique et non en forçant les résidents à utiliser des devices.
Jeanne Massa : « Comment sélectionnez-vous les innovations ? Et comment menez-vous des tests ? »
Guillaume Lelong : Les idées peuvent venir de toutes les parties prenantes, des services du siège, ou des résidences. Il est plus simple de viser juste car nous vivons quotidiennement avec nos résidents. Nous avons par exemple créé un Escape Game qui s’appelle Escaptys, il a été inventé par un des animateurs qui l’a inventé dans sa résidence, cet escape game a fonctionné et a servi de pilote pour être déployé dans d’autres résidences. Nous testons en ce moment, des bornes de téléconsultation, le test a été fait dans 3 de nos résidences, cela fonctionne très bien, donc nous allons le déployer dans une quinzaine de résidences. Nous avons également imaginé une résidence intergénérationnelle “génération part’Âges”. Des étudiants viennent dans la résidence, ils sont nourris, logés, blanchis en échange d’une soixantaine d’heure de présence et d’activité auprès des résidents. Il est important d’avoir un équilibre multigénérationnel au sein même d’une résidence. Nous pouvons avoir des résidents qui ont 20 ans d’écart, ce qui crée déjà une première forme d’intergénérationnalité.
Jeanne Massa : « Comment vos innovations sont-elles déployées et accueillies par les résidents ? Y-a-t-il une conduite du changement à mener ? »
Guillaume Lelong : Bien entendu, nous avons un trio magique entre l’idée de l’innovation, l’équipe et les résidents, car oui, nous devons accompagner tous ces changements, qu’on les explique, qu’on les fasse rentrer dans les habitudes. D’une certaine façon, je pense que notre rôle de médiateur est aussi important que l’idée elle-même. En général dans un projet innovant, l’idée en elle-même compte pour 3%, le reste se partage en 50/50 entre le plan d’exécution et l’équipe elle-même. Cette approche s’applique très bien à nos résidences, car faire comprendre, faire accepter ces innovations, c’est vraiment notre rôle sinon ça ne marchera pas. Si jamais il y a un défaut dans l’exécution ou encore nos projets, nous nous en rendrons compte rapidement car nous sommes en contact quotidien de nos résidents.
Jeanne Massa : » Les bornes de téléconsultation sont donc au pied de la résidences et accessibles à tous ? »
Guillaume Lelong : Oui elles sont tout à fait accessibles, c’est un plus de cette innovation, car on l’apporte à nos résidents et on en fait profiter tous ceux qui sont autour de nos résidences.
L’objectif n’étant pas de créer un “ghetto de vieux » ou “un ghetto de riche”, il faut donc en permanence que ça soit ouvert, avec des mouvements depuis la résidence vers l’extérieur et vice-versa. L’intergénérationnel, le permet. Par exemple, nous avons en permanence des écoles qui viennent dans la résidence. Nous avons des seniors qui vont dans des centres de loisir pour faire de la lecture, partager leurs expériences..etc.
Jeanne Massa : « Quelle est votre plus grande réussite et votre plus gros échec en matière d’innovation ? »
Guillaume Lelong : Pour moi notre plus grande réussite est la résidence service senior. Quand on regarde les chiffres, les résidences service sénior, c’est 1% des 75 et plus. Ce sont des early adopters, des gens qui ont compris qu’il y avait peut-être un autre moyen de vivre ces années, et un moyen qui fait que la vie est plus agréable et moins compliquée et qu’on profite justement de ces années qui parfois peuvent être difficiles à vivre. Voilà notre plus grande réussite, c’est comment on a pu, petit à petit, façonner un concept qui est développé en France, mais aussi en dehors des frontières. Nous avons par exemple ouvert l’an dernier la résidence de Bergame
L’innovation et le digital sont des fondamentaux pour faire connaître la résidence service senior, pour la faire adopter, la faire comprendre et la faire connaître à la cible directe et leur entourage qui peuvent ne pas du tout connaître ce type de concept. Concernant les échecs, en effet il y a des innovations que nous avons lancé et qui n’ont pas pris, mais encore une fois nous nous en rendons compte très vite, on retire, on travaille, on reteste et on redéploie.
Jeanne Massa : « C’est le test and Lead et il en faut pour pouvoir avancer, notamment dans une démarche d’innovation. Le partage par les plus jeunes et moins jeunes se fait par la table. C’est quelque chose de très particulier chez Domitys, ou vous avez emmené les choses assez loin. »
Guillaume Lelong : Le repas est un moment important, car c’est un moment où on se retrouve pour échanger et discuter. Donc nous avons des restaurants dans toutes nos résidences, qui sont des restaurants ouverts sur l’extérieur. Si vous voulez aller manger chez Domitys, vous pouvez très bien le faire même sans être senior, ce que font d’ailleurs un certain nombre de personnes du quartier.
Nous allons aussi ouvrir la résidence de l’île-Maurice. Cette résidence est destinée à des retraités migrateurs, des gens qui décident d’aller passer une partie de leur retraite, à l’étranger, au soleil quelques mois.
Nous avons développé un concept qui s’appelle les tables d’hôtes, qui permet de partager des tables où les seniors peuvent venir dîner, c’est assez convivial et ça marche très bien. Car le dîner peut être un véritable moment d’isolement. D’ailleurs la problématique de l’isolement, de la solitude est quelque chose contre lequel on se bat, car la problématique de l’isolement en France est considérable. C’est là où notre rôle est intéressant, notamment le rôle de l’animateur en résidence. Ce n’est pas du tout un rôle d’animateur de club med, c’est discuter avec les résidents, les comprendre, comprendre leurs besoins, attentes, goûts en plus faisant comprendre au fur et à mesure que sortir de son appartement, partager avec les autres, c’est un vrai plus, même pour les problématiques de perte d’autonomie.
EDITO Jeanne Massa :
« Innovation : Qu’en est-il à l’étranger ? »
Jeanne Massa : Les personnes âgées continuent d’adopter la technologie et les prochains seniors seront les digital natives d’aujourd’hui. Que ce soit en résidences gérées ou à domicile, la technologie fera partie intégrante du paysage : entretien du domicile, transports et mobilités, lien social, etc. Nombreux sont les défis à relever.
Canva est “un nouveau concept pour les plus de 55 ans”. C’est une “community” de location pour adultes actifs de 232 logements en Pennsylvanie. Ce ne sont pas des Seniors certes, mais ils représentent la 3ème plus grande économie du monde et que ce sont – aux USA – une catégorie de personnes qui se tournent plus volontiers vers la location avec services intégrés. Canva se positionne également dans et pour son environnement : l’opérateur a misé sur la réversibilité d’un immeuble de commerces et de restaurants et sa proximité avec d’autres services comme les restaurants permet d’alléger la place occupée par le bloc restauration dans le programme.
Rancho Mission Viejo est un immense projet de développement de logements : le plan prévoit 14 000 maisons. Le projet a été abordé de manière totalement différente des usages. Plutôt que de séparer les tranches d’âge, les logements sont répartis dans des maisons multifamiliales de manière à créer une communauté intergénérationnelle, intégrant autant des jeunes seniors en toute autonomie avec des services à la carte qu’une communauté de retraite avec soins continus. Côté aménagement, des maisons à un étages côtoient des appartements superposés et des appartements classiques.
Watermark Retirement Communities, basé à Tucson, en Arizona, apporte des innovations à l’espace : du projet de réaménagement à Brooklyn Heights ou la réhabilitation d’un ancien dortoir de UCLA en logement pour personnes âgées. Le groupe a innové également tant d’un point de vue de la tarification – conçu sur la base des feedbacks des usagers – que du point de vue médical ; avec par exemple les thérapies de la mémoire avec les chevaux. Ils travaillent même à un projet d’intégration d’une école secondaire dans l’un de leurs projets.